
Mots clés : allergie aux arachides, allergènes alimentaires, cytokines, maladies allergiques, réaction allergique.
Des chercheurs à l’hôpital Mont Sinaï viennent d’identifier six gènes qui activent des centaines d’autres gènes chez les enfants manifestant des réactions allergiques aiguës aux arachides. Il s’agit de la première étude menant des essais sur des humains avec pour objectif d’identifier les gènes derrière réactions allergiques aiguës aux arachides adoptant une approche d’essai en double aveugle, contrôlé contre placebo et avec séquençage exhaustif des gènes ont exprimés avant, pendant, et après qu’ils aient ingéré des arachides.
L’étude est aussi la première à étudier l’expression génique chez les enfants au cours de leurs réactions allergiques, permettant la comparaison de la réaction de chaque sujet à être à l’état pré-réaction de ce même sujet, plutôt qu’à celle d’un groupe témoin sans allergie aux arachides. Cette approche a permis aux chercheurs de détecter avec précision le changement d’expression génique résultant de ces réactions.

Figure 1 : Exemple de différence remarquable dans l’expression génique suite à l’ingérence d’arachides par un sujet allergique aux arachides. Les valeurs montrées correspondent à l’expression génique de départ (avant consommation), 2 heures après, et 4 heures après pour la prise de placébo et d’arachides dans le cas du gène LTB4R.
Les résultats de l’étude sont publiés en ligne dans la revue Nature Communications le 5 décembre 2017. Le traitement classique pour les individus souffrant d’allergie aux arachides implique d’éviter toute consommation d’arachides et de soigner la réaction allergique. L’immunothérapie a démontré des progrès, mais n’est pas efficace pour tous les individus, a des effets secondaires nocifs, et n’a pas été approuvé par la Food and Drugs Administration des États-Unis.
« Cette étude met en avant les gènes et les processus moléculaires qui peuvent être ciblés par les nouvelles thérapies destinées à traiter des réactions allergiques aux arachides et peut avancer notre compréhension du fonctionnement général de l’allergie aux arachides », dit l’auteur principal de l’étude, le Dr. Supinda Bunyavanich, professeur agrégé en pédiatrie, génétique et génomique à l’école de médecine Icahn à Mount Sinaï. « Nous ne comprenons toujours pas complètement tout ce qui se passe dans le corps durant les réactions allergiques aux arachides. Nous pouvons utiliser ces gènes pour focaliser nos études de l’allergie aux arachides et, nous l’espérons aussi, prédire l’amplitude de la réaction allergique aux arachides d’un individu donné ».
L’équipe de recherche a recueilli des échantillons sanguins de 40 enfants allergiques aux arachides avant, pendant, et après un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo, de consommation d’arachides par voie orale. Les sujets ont ingéré des quantités progressives d’arachides toutes les 20 minutes jusqu’à ce qu’une réaction allergique se produise ou la dose cumulative de 1.044 grammes d’arachide est atteinte. De façon similaire, à un autre jour, les mêmes sujets ont ingéré des doses progressives de placébo composées de poudre d’avoine ; là aussi des échantillons sanguins ont été prélevés avant, pendant, et après l’essai. L’équipe a ensuite effectué un séquençage exhaustif de l’ARN sur les échantillons sanguins suivi par une analyse des données informatiques afin de déterminer les gènes et les cellules qui ont été activés et qui ont ‘instigués’ ces réactions allergiques.
« D’autres études ont examiné les gènes exprimés chez les personnes souffrant d’allergies alimentaires et les ont comparé aux personnes qui n’avaient pas d’allergies alimentaires », Dit Dr. Bunyavanich. « L’une des forces de notre étude est le fait que nous avons examiné les gènes exprimés au fil du temps chez les enfants réagissant activement à l’arachide et que nous les avons suivi tout au long de leur réaction, ce qui nous donne une image détaillée et exhaustive de de qui se passait au niveau génétique et moléculaire durant une réaction d’allergie aux arachides ».
L’une des limitations de l’étude est le fait qu’elle porte uniquement sur l’allergie aux arachides. Le Dr. Bunyavanich et son équipe de recherche comptent mener des études supplémentaires ciblant d’autres allergènes communs, tels que l’allergie au lait et aux œufs, afin de déterminer si leurs résultats sont applicables à d’autres types d’allergie alimentaire.
Abstract
L’analyse transcriptomique intégrative révèle les responsables clés des réactions allergiques aiguës aux arachides
Auteurs: C. T. Watson, A. T. Cohain, R. S. Griffin, Y. Chun, A. Grishin, H. Hacyznska, G. E. Hoffman, N. D. Beckmann, H. Shah, P. Dawson, A. Henning, R. Wood, A. W. Burks, S. M. Jones, D. Y. M. Leung, S. Sicherer, H. A. Sampson, A. J. Sharp, E. E. Schadt, S. Bunyavanich.
Revue: Nature Communications.
Date de publication: 5 décembre 2017.
Les mécanismes sous-jacents aux réactions aiguës d’allergie alimentaire n’ont, à ce jour, pas été pleinement caractérisés. Nous profilons le transcriptome dynamique des réactions allergiques aiguës aux arachides en utilisant des échantillons séquentiels de sang périphériques prélevés auprès de 19 enfants avant, pendant, et après un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo, de consommation orale d’arachides. Nous identifions les gènes qui ont manifesté des changements d’expression déclenchés par l’arachide, mais pas par le placebo, pendant les réactions allergiques aiguës aux arachides. L’analyse réseau révèle que ces gènes contiennent des réseaux de coexpression pour la réaction de la phase aiguë et pour les processus pro-inflammatoires. L’analyse des facteurs clés identifie six gènes (LTB4R, PADI4, IL1R2, PPP1R3D, KLHL2, et ECHDC3) qui modulent de manière causale l’état des réseaux corégulés en réponse aux arachides. L’analyse de déconvolution leucocyte identifie des changements dans les populations de neutrophiles, de lymphocytes T CD4+ naïfs, et de macrophages pendant l’ingérence d’arachides. Des analyses effectuées sur 21 sujets supplémentaires qui étaient allergiques aux arachides répliquent les principales conclusions. Ces résultats révèlent les gènes clés, les processus biologiques, et les types de cellules que peuvent être ciblés pour l’étude mécaniste et le ciblage de la thérapeutique d’allergie aux arachides.
Introduction
L’allergie aux arachides est un problème clinique de santé publique qui affecte 2 à 5% de nos enfants en âge de scolarité, avec des preuves de prévalence croissante. L’allergie aux arachides est définie comme un effet négatif sur la santé résultant d’une réponse immunitaire spécifique qui se produit de manière reproductible lors de l’exposition à l’arachide, menant à des symptômes aigus tels que des ruches, des enflures, une gêne respiratoire, des problèmes cardiovasculaires, un trouble gastro-intestinal, et/ou l’anaphylaxie qui peut être mortelle. Le développement d’allergie aux arachides implique une déviation de la tolérance immunitaire muqueuse et cutanée, qui fait que les antigènes alimentaires présentés par les cellules présentatrices d’antigènes mènent à une réponse négative biaisée des cellules Th2, l’amorçage des cellules effectrices immunitaires innés, et la modification du milieu cytokine de manière à ce que l’exposition aux antigènes spécifiques aux allergènes alimentaires provoque des réactions aiguës médiées par l’IgE. En plus des symptômes immédiats de la réponse allergique, l’allergie aux arachides a des effets plus étendus sur le long terme, impactant la nutrition, la santé émotionnelle, et le mode de vie. Il n’y a actuellement aucun remède contre l’allergie aux arachides, et notre compréhension de sa causalité et de sa pathobiologie reste limitée.
Les études d’expression génique sur des individus souffrant d’allergies alimentaires ont fourni quelques aperçus des potentiels processus moléculaires sous-jacents à l’allergie aux arachides. Les gènes exprimés différentiellement et identifiés chez les individus souffrant d’allergies alimentaires indiquent que les perturbations sous-jacentes des processus du système immunitaire contribuent au développement de l’allergie alimentaire. Par exemple, le profil d’expression génique de tout le transcriptome dans les lymphocytes T CD4+ stimulés extraits d’individus allergiques à l’enfance avant le début de la maladie, et la correspondance avec les individus de contrôle non allergiques, a révélé des différences significatives d’expression pour plus de 2000 gènes, qui ensemble, représentent une signature de capacité réduite de prolifération des lymphocytes T chez les individus allergiques. Les comparaisons des niveaux d’expression génique dans les cellules mononucléées circulant du sang périphérique entre 17 adultes allergiques aux fruits et/ou aux latex et quatre sujets de contrôles ont révélé des différences globales à l’état de repos, y compris l’expression différentielle de gènes impliqués dans la signalisation des cytokines des lymphocytes T auxiliaires. Une dysrégulation de gènes impliqués dans divers processus immunitaires a aussi été signalée dans d’autres maladies allergiques.
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